Le Droit d’Alerte Economique
Le droit d’alerte permet aux équipes syndicales à travers leurs élus CSE ou CSEC d’intervenir en amont d’éventuels problèmes d’emploi dans l’entreprise.
Il est défini par le code du travail à l’article L2312-63 comme le droit d’instaurer une discussion avec les dirigeants de l’entreprise afin d’obtenir des explications sur une situation économique préoccupante. Il peut être mis en œuvre dès que le comité d’entreprise a connaissance d’une telle situation.
La loi ne définit pas les faits préoccupants permettant d’engager cette procédure. Il peut s’agir par exemple :
- de difficultés économiques telles que la baisse des commandes d’une manière importante et durable, de la réduction substantielle des investissements, le gonflement des stocks …
- de problèmes financiers tels que : reports renouvelés d’échéances, retards dans le paiement des salaires, provisions anormales, endettement lourd …
- de projets de restructuration pouvant affecter à court ou moyen terme les perspectives et les résultats d’un secteur de l’entreprise.
Cette procédure doit être déclenchée le plus tôt possible (c’est-à-dire bien avant l’annonce officielle des problèmes d’emploi).
La procédure peut aussi être exercée par le commissaire aux comptes, chaque fois que ce dernier relève un fait de nature à compromettre la continuité de l’entreprise (C. Commerce art L. 612-3)
Pour la FGMM-CFDT, ce droit ne peut intervenir qu’après un débat du collectif et dans une stratégie globale de l’organisation.
Ce droit peut être un bon outil de mobilisation et de communication s’il est déclenché suffisamment tôt, il permet :
- de mobiliser l’équipe syndicale
- de construire un point de vue collectif homogène sur la situation de l’entreprise
- d’obtenir une expertise avant le déclenchement d’une quelconque procédure.
- de communiquer avec les salariés et le cas échéant avec d’autres interlocuteurs / pouvoirs publics …
Pour être efficace, la mission de l’expert, mandaté par le CSE ou CSEC doit faire l’objet d’un travail syndical collectif. Ce sont les militants qui connaissent l’entreprise et peuvent faire poser les bonnes questions. La mission et le cahier des charges sont primordiaux pour obtenir un rapport que les équipes pourront utiliser.
Car l’objectif majeur du droit d’alerte reste d’obliger les dirigeants à fournir des réponses au CSE ou CSEC, afin de peser sur les choix économiques de l’entreprise :
- en les incitant à modifier leur choix de gestion, d’investissement…
- en proposant des solutions alternatives
Le droit d’alerte, une fois déclenché est une procédure publique – qui peut être connue à l’extérieur de l’entreprise, c’est l’équivalent au droit d’alerte relatif au « Danger grave et imminent ». C’est donc à manier avec précaution puisqu’elle indique à l’extérieur et aux concurrents que l’entreprise ne va pas bien.
Elle risque d’être contre-productive si elle ne sert qu’à gagner du temps pour du temps.
Les modalités et procédures du droit d’alerte :
Demande d’explications
- La première étape est une demande d’explications adressée à l’employeur, par la majorité des élus. Cette demande est inscrite de droit à l’ordre du jour du CSE ou CSEC.
- L’employeur ne peut s’y soustraire : il est tenu de répondre sous peine de commettre un délit d’entrave. Le procès verbal de la réunion doit mentionner clairement les réponses apportées. Si celles-ci ne paraissent pas suffisantes au Comité, la procédure d’alerte peut alors être mise en œuvre.
- Une motion proposée par le Secrétaire du Comité mentionnant les craintes des élus, constatant l’insuffisance des réponses apportées et faisant part de la décision de déclencher le droit d’alerte en vertu de l’article L2312-63 du code du travail doit être adoptée.
- L’employeur peut contester la procédure d’alerte engagée par le Comité. Toutefois, il devra demander au juge de constater l’absence de « faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise ». Il ne peut de lui-même estimer que la procédure n’a pas lieu d’être en refusant de fournir des explications au CSE ou CSEC.
Etablissement d’un rapport
- Si l’employeur ne fournit pas de réponse suffisante, ou s’il confirme le caractère préoccupant de la situation, le Comité doit alors établir un rapport (ou le faire établir par la commission économique si elle existe), et peut décider par un vote de se faire assister, (une fois par exercice), d’un expert-comptable choisi par lui et rémunéré par l’employeur pour l’aider dans cette rédaction. C’est la première étape de mise en œuvre du droit d’alerte.
- L’employeur ne peut en aucun cas s’opposer à la désignation de cet expert dont les pouvoirs d’investigations sont assimilés à ceux du commissaire aux comptes. Mais, quel que soit l’apport de l’expert, la rédaction du rapport se fait sous la responsabilité du CSE ou CSEC.
- Le Comité peut également convoquer le commissaire aux comptes et lui demander toutes explications sur la situation de l’entreprise et la réponse de l’employeur. Il peut aussi s’adjoindre, avec voix consultative, 2 salariés de l’entreprise choisis pour leur compétence en dehors du Comité. Ces salariés disposent chacun de 5 heures rémunérées pour assister le Comité, mais ne bénéficient d’aucune protection.
La saisine des organes dirigeants
- Le Comité peut, (et doit à notre sens) après délibération, décider de transmettre son rapport accompagné de questions précises aux organes dirigeants. Leur saisine a pour objet d’imposer une délibération de ces instances sur les faits relevés par le CSE ou CSEC et d’obtenir des réponses ou une modification des choix de gestion.
- Dans les sociétés à Conseil d’Administration ou à Conseil de Surveillance, la question doit être inscrite à l’ordre du jour du prochain Conseil (sous réserve d’un délai de 15 jours). La réponse doit être motivée (L2312-66).
- Pour les autres, c’est-à-dire essentiellement les SARL, le gérant est tenu de communiquer aux associés le rapport du comité.
Le droit d’alerte CSE, CSEC, Comité de groupe, Comité d’UES
- Lorsqu’une entreprise a de multiples établissements, c’est le CSEC qui détient le droit d’alerte, et non les CSE (cass. soc. 12 octobre 2005, n° 04-15.794).
- Par ailleurs, le comité de groupe ne détient qu’une prérogative d’information et ne peut exercer le droit d’alerte.
- Le droit d’alerte d’un Comité d’UES semblerait par ailleurs légitime pour exercer le droit d’alerte.